Le Projet Nursery de Bapaume : Bilan de la 1ère année

Le 5 octobre dernier a eu lieu un comité de pilotage afin de faire le bilan de la 1ère année du projet Nurserie au Centre de Détention de Bapaume.

Y étaient représentés la direction du centre de détention de Bapaume, le SPIP du Centre de Détention, la DISP, la CAF du 62, la Communauté de Communes du Sud Artois (Jardin d’éveil), le Conseil Départemental 62, la PMI, le centre socio-culturel Achicourt REAAP, Colline ACCEP, et bien sûr l’Aprémis qui a présenté ce bilan.

 

 

Rappel de la naissance et de la mise en place du projet :

Ce projet « Se séparer pour grandir en dehors de la prison », avec pour objectif de limiter le traumatisme de la séparation, est né à l’été 2019 et a mis du temps à se mettre en place. Il a réellement débuté en janvier 2021, et a vécu et évolué au fil des mois et des demandes des mamans.

Ce projet est le fruit d’un travail collectif entre le personnel de détention, et l’ensemble des intervenants et partenaires, et du professionnalisme des 3 bénévoles et salariés de l’Aprémis. Il répond à un besoin identifié et à la demande des femmes enceintes et des mères ayant leur enfant avec elle en détention.

Le CD de Bapaume représente 600 détenus dont 100 femmes et la possibilité d’accueillir 3 enfants de 0 à 18 mois. Une mère en détention a besoin de soutien, mais pas forcément celui de l’administration pénitentiaire dont ce n’est pas le métier. L’Aprémis a proposé ce projet ambitieux en cohérence avec les missions du REP et la stratégie nationale de soutien à la parentalité 2018 – 2022.

 

Les objectifs de ce projet :

– Accompagner le processus de séparation forcée d’une mère incarcérée et son bébé afin de limiter les impacts négatifs pour l’enfant

– Préparer progressivement l’enfant à sortir vers et à l’extérieur de la prison

– Construire le lien parental axé sur l’autonomie et la responsabilité des mères détenues

– Questionner la place de parent détenue (place au sein de la famille, place dans l’éducation de l’enfant)

L’axe de travail est l’enfant. Si l’enfant va bien, la mère aussi.

2 bénévoles de l’Aprémis prennent en charge les enfants, pendant que l’éducatrice et une autre bénévole prennent en charge les mamans dans le cadre d’ateliers autour de thématiques sollicités par ces dernières. L’idée est de répondre à leurs attentes et de définir le thème de la séance suivante.  La prise en charge des enfants par les bénévoles leur permet de se connaitre et de créer du lien avant leur sortie, et de favoriser des expériences positives à l’extérieur de l’établissement. L’accompagnement des enfants peut commencer dès la naissance et se poursuit jusqu’à la sortie de détention.

 

Bilan de l‘année écoulée :

Ce projet s’articule autour de 2 séances par mois, aussi lors de ce bilan, 18 séances collectives et 11 séances sorties extérieures ont été réalisées. En 2021, ce sont aussi 71 accompagnements au Jardin d’éveil et 26 entretiens qui ont été réalisés.

D’un point de vue qualitatif, nous pouvons souligner la participation et l’implication des parents, l’engagement des bénévoles, la communication avec les partenaires.

L’accompagnement pluridisciplinaire a fait évoluer les mères sur le regard sur leur détention et leur rôle de mère.

Tous les partenaires présents ont souligné la belle dynamique de groupe.

Les 2 mamans ont participé à la réalisation du questionnaire de satisfaction afin d’évaluer l’action. Elles ont également réalisé un tableau qui symbolise le sens du travail réalisé lors des accompagnements.

 

Perspectives d’évolutions :

Du côté de l’établissement pénitentiaire : Projet de création d’une nurserie, plus sécuritaire pour les enfants, au RDC de l’aile des mamans avec un espace douche dédié, une salle d’activités, un espace cuisine et un espace jardin pour les enfants. Ce projet a été validé et les travaux sont prévus pour 2022. La Direction Interrégionale est en soutien afin que ce projet voit le jour rapidement.

Constats partagés par l’ensemble des partenaires : Travail partenarial : faire participer les autres acteurs aux séances (PMI, jardin d’éveil…)

Du côté de l’Aprémis :

  • Développer des actions autour du livre et de la lecture : créer une bibliothèque.
  • Rester dans le lieu actuel UVF (Unité vde Vie Familiale) pour l’activité collective (détente, loin de la prison, appartement proche de la réalité pour l’enfant).

 

Témoignage de Marie-Louise BERNARD, bénévole du relais enfants parents à l’Aprémis :

« Notre Action a été un travail de réflexion et d’analyse régulière sur la question du maintien du lien malgré la séparation inévitable à 18 mois.

Mon rôle au sein de l’équipe était d’utiliser mon expérience de puéricultrice pour observer les liens qui unissent l’enfant et sa mère, d’aider à renforcer et à favoriser l’instauration de ces liens et la construction des attachements.

« L’enfant a besoin de relations stables, fiables et sécurisantes » (LAMOUR 1995).

Il faut que l’attachement soit bien construit pour permettre à l’enfant et à la maman de pouvoir se séparer dans les meilleures conditions.

Le lundi matin : sur le temps collectif avec les 2 mamans, nous avons pu échanger, construire, les encourager sur leur rôle de mère, aplanir des difficultés dans l’éducation de leur enfant sur des thèmes qu’elles choisissaient : sommeil, le développement psychomoteur, l’alimentation etc…

Ces moments d’échanges ont eu une répercussion positive pour les 2 mamans concernées et les enfants.

Arianne, la professionnelle référente de l’Aprémis, s’assurait que l’équipe suivait le fil conducteur de la séparation dans les meilleures conditions pour l’enfant et pour la maman. »

 

Sylviane VIDAL et Micheline PETIT, bénévoles du relais enfants parents à l’Aprémis :

« Tous les 15 jours, les lundis, nous avons participé aux actions du projet nurserie auprès des enfants, Nyna et Lucas.

Nous avons été chacune référente d’un enfant, et nous avons travaillé sur la séparation et les sorties extérieures.

Pendant que notre collègue bénévole, Marie-Louise, et Arianne l’éducatrice de l’Aprémis, assuraient l’animation auprès des mamans, nous nous occupions des enfants. Pour ce faire, l’Aprémis a mis à notre disposition des supports (jeux, livres…)

A chacune de nos interventions, nous nous rendons au parloir et un surveillant nous conduit à l’Unité de Visite Familiale avec les mamans et leurs enfants.

L’endroit est très agréable, pratique, on s’y sent bien. Les retrouvailles sont chaleureuses. Nous commençons la séance avec un café, ce qui nous permet de partager et de discuter de sujets divers.

Ensuite Ariane et Marie Louise s’installent avec les mamans dans le salon pour des temps d’échange autour de la parentalité.

Sylviane et moi, nous nous installons dans une chambre avec les enfants. Nous chantons, dansons, lisons, jouons.

Il faut être très réactif car les enfants se lassent vite, donc il faut constamment renouveler les jeux, les lectures…mais nous nous adaptons.

Cette UVF est aménagé comme un véritable appartement avec salle d’eau, salon, coin cuisine, chambre, et un lit, chouette pour faire des « cabrioles ».

Les enfants sont adorables, réceptifs et comprennent, après leur avoir expliqué, que l’on ne doit pas déranger maman qui « est à l’école »

Parfois l’enfant cherche sa mère. Il nous suffit alors de l’amener vers la fenêtre de la chambre qui donne sur le salon. L’enfant peut alors voir sa mère et cela suffit à le rassurer et il retrouve le sourire.

Nous avons réussi à nous occuper de deux petits enfants, chaque matinée, dans une pièce, permettant à leurs mamans de suivre le cours sans dérangement. A la fin de chaque séance, les enfants retrouvent leur maman pour un temps de partage autour d’une activité. A la sortie de l’UVF nous faisons un bout de chemin ensemble avant de nous séparer.

L’après-midi est destiné à la promenade et à la découverte de l’extérieur de la prison pour Nyna et Lucas (trajet voiture, promenade en centre-ville, visite de magasins, parc…).

En conclusion, c’est un très beau projet qui a permis de réunir les mamans et leurs enfants : les mamans pour les échanges sur la parentalité, et les enfants pour les jeux. Etre dans l’UVF permet de travailler en amont la séparation, de manière rassurante pour Nyna et Lucas, en étant dans un même lieu mais dans des pièces séparées.

C’est une belle expérience pour Sylviane et moi-même. »

 

Création artistique des 2 mamans qui ont été accompagnées dans le cadre de ce projet :

Elles ont exprimé à travers ce tableau ce que ce projet représente pour elles.

Une des mamans qui a participé à ce projet a également réalisé un témoignage vidéo très émouvant.